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Maguelone, Septembre 2016

              Le siège épiscopal de Maguelone (Villeneuve-les-Maguelone) entre Antiquité tardive et haut Moyen Age

             Rapport de fouille programmée (1ère année) Claude Raynaud, Directeur de Recherches au CNRS

          

Equipe de recherche
Direction :
Claude Raynaud, CNRS. UMR Archéologie des Sociétés Méditerranéennes (ASM), Lattes
Responsables de secteur et d’étude :
Alexandrine Garnotel, archéologie-anthropologie de terrain, UMR ASM, Lattes
Nathalie Caballero, responsable de secteur, dessin céramologique ; CDD UMR ASM
Audrey Lee, responsable de secteur, dessin céramologique ; CDD UMR ASM
Jean-Claude Roux, analyse des constructions de terre (UMR ASM, Montpellier)
Fouilleurs bénévoles (association Histoire et Archéologie de Lunel-Mauguio) :
Daniel Amblard, Christian Gourillon, Jibé Sayn, assistés de Philippe Solmazian, Maxime Scrinzi et Angelo Mastroianni.
Gestion des collections :
Mario Marco, Musée Archéologique LATTARA
Remerciements aux responsables de l’association les Compagnons de Maguelone et de l’ESAT, ainsi qu’à l’équipe technique our son aide logistique.
                                     

         Fig1. Localisation

PRESENTATION
Sur le littoral du Languedoc, 10 km au sud de Montpellier, l’île de Maguelone accueillit un siège épiscopal du VIe au XVIe siècle. En ce lieu se croisèrent les destinées des maîtres successifs de la région, gallo-romains, Wisigoths, Arabes puis Francs. En ce lieu se marient les apports méditerranéens et germaniques. En ce lieu se lit la transition entre l’Antiquité et le Moyen Age, entre deux trajectoires urbaines, celles de la ville portuaire de Lattara et du siège épiscopal de Maguelone, matrice de l’histoire de Montpellier et du peuplement littoral.
Autour de la cathédrale romane, lieu de mémoire et joyau touristique, le site même de Maguelone est resté méconnu jusqu’à de récentes recherches archéologiques. De 1998 à 2000, une fouille préventive conduite par notre équipe (G. Barruol, A. Garnotel, Cl. Raynaud) a permis d’explorer une église des VI-VIIe siècles, ainsi que la nécropole développée à son entour. Les sépultures, ainsi que quelques vestiges d’habitat, ont livré une abondante documentation sur les pratiques funéraires ainsi que sur la culture matérielle au sein de la province wisigothique de Septimanie. Mais comment naît cet évêché, comment s’organise-t-il sur une île, quel fut son développement et sa fin ?
Après cette fouille, en 2000 une prospection systématique a révélé d’abondants vestiges en surface des parcelles cultivées, qui éclairaient la chronologie de l’occupation insulaire. Le site est resté occupé durant plusieurs siècles mais l’essentiel des vestiges se rapporte à l’Antiquité tardive et au haut Moyen Age. La prépondérance du mobilier amphorique souligne l’ampleur de l’activité commerciale déployée à cette époque sur le littoral et marquée par l’abondance des importations provenant de l’ensemble du bassin méditerranéen. Du IVe au VIIe s., ces vestiges couvrent la quasi-totalité de l’îlot, soit une vingtaine d’hectares. Les observations permettent de localiser un habitat principal au sommet du site, où d’abondants matériaux ont été recensés : tuile, pierre taillée, marbre, mosaïque. Ailleurs, des concentrations de scories témoignent de la présence d’un secteur artisanal où l’on travaillait le verre et le fer. Enfin, les vestiges se concentrent au sud-ouest de l’îlot, au lieu nommé « Port Sarrazin » où l’abondance des fragments d’amphores suggère une installation portuaire. Là, des embarcations légères pouvaient transborder la cargaison des navires restés à distance des hauts fonds sableux, après avoir franchi l’ancien grau de Palavas ou Maguelone, passage dans le cordon littoral aujourd’hui colmaté.
L’arrachage d’une vigne durant l’automne 2014 sur une parcelle de un hectare à l’ouest de la cathédrale et à proximité du « Port Sarrazin », offrait la possibilité d’effectuer des fouilles pour comprendre ce que fut la vie dans cette tranche d’histoire qui vit la rencontre entre Nord et Sud, romains et barbares, chrétiens et musulmans. Loin des clichés guerriers et du « choc des civilisations », les premiers résultats montrent le croisement complexe qui concourut à l’effacement du monde romain et à l’émergence d’un monde nouveau, plus tard nommé Moyen Age.

                                             Fig. 2. Topographie littorale actuelle et localisation de la fouille (extrait de la carte IGN).

1. Historiographie d’un siège épiscopal méconnu
Dix kilomètres au sud de Montpellier et quatre kilomètres à l’ouest de Palavas-les-Flots, l’ancien îlot de Maguelone occupe un discret bombement d’origine volcanique s’élevant à 10 m d’altitude, à l’arrière du littoral sableux.
De l’ancien siège épiscopal, témoigne la présence de la cathédrale romane, dotée de puissantes défenses. Récemment rattachée au lido par l’extension des dépôts lagunaires, l’îlot conserve un caractère insolite et pose une énigme : pourquoi établir la cité épiscopale en ce site battu par les vents du large, à portée des agressions maritimes, envahi de moustiques, et de surcroît placé en marge et comme hors de son ressort territorial ainsi que de son domaine temporel ? Situation étonnante, qui ne connaît que de rares parallèles dans la géographie religieuse, les centres épiscopaux insulaires de Torcello, dans la lagune de Venise, et d’Alet sur la presqu’île bretonne face à Saint-Malo.
Pour pallier ce silence, les archéologues n’ont pas manqué d’interroger le site sur son histoire. Les premières recherches furent effectuées à partir des années 1870 par Fr. Fabrège (1841-1915), qui fit porter l’essentiel des travaux sur la cathédrale romane, dont l’intérieur fut fouillé en 1872 (Fabrège 1894). Ces dégagements semblent bien, selon les observations de Fabrège, avoir exhumé les substructions de la cathédrale paléochrétienne. Malheureusement, la publication des observations de fouille, préparée par Fabrège, fut interrompue par le décès de l’auteur et ne vit jamais le jour (Paya 1996).
De 1967 à 1973, de nouvelles recherches furent conduites par J.-Cl. Richard avec des sondages dans le cloître, au nord de la cathédrale, ainsi qu’en plusieurs points de l’île. À cette occasion sont recueillis de nombreux documents gallo-romains (Richard et alii 1999 et 2004). En 1998-1999 une fouille de sauvetage mettait au jour, à l’est de la cathédrale romane, une église funéraire de l’Antiquité tardive. Enfin, en 1999-2000 une prospection méthodique de l’île et permettait d’étudier l’ampleur de l’occupation de l’île et d’en cerner les étapes.
Par leur ampleur, ces dernières recherches ont renouvelé l’approche de l’histoire insulaire (Barruol, Raynaud 2002) , exhumant une abondate documentation qui sera prochainement publiée (Barruol, Garnotel, Raynaud à paraître). Plus récemment encore, en 2015 l’arrachage d’une vigne a donné lieu à un diagnostic sur une parcelle d’un hectare, révélant la densité des structures d’habitat et de stockage des V-VIIe siècles. En ce lieu il s’avéra possible d’engager une fouille d’envergure destinée à préciser la connaissance de l’activité et de la topographie de Maguelone entre la fin de l’Antiquité et le premier Moyen Age.
2. Une occupation dense et diversifiée : une agglomération ?
Les recherches récentes ont d’abord répondu à la question de l’environnement épiscopal : non, la cathédrale ne se dressait pas, solitaire, sur son îlot. Cette image, si prégnante dans le paysage actuel, ne reflète que la désertion de l’île puis sa végétalisation par Fabrège, à la fin dud XIXe s. Sensible à cette approche environnementale et auteur de premières observations de terrain, Chr. Landes revenait à l’attribution locale d’une partie de l’épigraphie gallo-romaine découverte sur l’île, et proposait une nouvelle lecture : Maguelone, avant-port de Lattara ?
Les premiers éléments d’élucidation furent mis au jour en 1998-1999, avec la grande église dégagée sur le versant est de l’île, ainsi que la nécropole à son entour et quelques vestiges d’habitat. Cette église comportait une vaste nef prolongée par une abside semi-circulaire. À l’intérieur de l’édifice, aucun aménagement liturgique n’a été conservé. En revanche, des sépultures, disposées en sous-sol sur un seul niveau, y sont relativement nombreuses. Les
sépultures s’étendent également autour de l’église sur une aire funéraire partiellement délimitée, large de 10 à 15 m, où 220 tombes ont été localisées.
Le mobilier déposé dans les tombes entre dans le même contexte régional, dont il constitue l’un des ensembles remarquables, et confirme l’observation d’une population faiblement hiérarchisée. Les boucles, plaques boucles et fibules, se situent entre le troisième quart du Ve et la fin du VIIe siècle, avec une plus grande fréquence au début de la période, les phases du Mérovingien ancien 1 et 2 (Hernandez 1999). Les métaux précieux sont peu présents au sein de ce mobilier et aucune sépulture ne se distingue par un luxe particulier. Par contre, la diversité stylistique de ce mobilier révèle la pluralité des influences qui caractérise la Septimanie, avec des objets d’origine géographique et culturelle variée, entre aires wisigothique, méditerranéenne et septentrionale.
Autour de l’église, la fouille révéla divers vestiges d’une occupation diffuse, en premier lieu, une cabane à sol excavé, matérialisée par une fosse rectangulaire de 4,5 m d’est en ouest pour 2,4 m du nord au sud. L’élévation et la couverture en matériaux périssables, étaient portées par six poteaux implantés au fond de la fosse. Cette construction semi-enterrée entre dans la catégorie des cabanes largement attestées dans le monde germanique du haut Moyen Age, mais connues aussi, bien qu’en nombre restreint, dans les régions méditerranéenne (Raynaud 2016).
Abondant et diversifié, le mobilier céramique du comblement, comportait des amphores orientales, particulièrement les types de Gaza, de la sigillée de la région de Carthage. L’ensemble des éléments se situe à la fin du VIe ou au début du VIIe siècle.
A ce point de l’enquête, la diversité et l’étendue des découvertes suggérait l’existence d’un établissement complexe et de large étendue, dont il restait à mesurer l’exacte emprise et la topographie. Ce fut chose faite grâce à une prospection systématique conduite sur l’ensemble de l’île, en 1999 et 2000. Pour cela, un carroyage en mailles de 10 mètres de côté fut implanté en 1999-2000 sur l’ensemble des parcelles cultivées. Cette prospection permit de collecter 51120 fragments de matériaux de construction divers, essentiellement des fragments de calcaire dur ou tendre, apportés sur l’île depuis les carrières du continent, 10 km au nord, mais aussi des marbres d’origine plus lointaine. A cela s’ajoutaient 58105 tessons de céramique, dont 9018 tessons de vaisselle et 49807 tessons d’amphore.
Cet ensemble d’artefacts dessine une courbe d’occupation précise. La première moitié du IVe s. présente un seuil majeur dans la densité ave une augmentation de 60 % suivie d’un croît rapide, avec encore 164 % de croissance dans la seconde moitié du siècle. Le IVe siècle marque donc une charnière majeure dans l’occupation de l’île. La période suivante confirme le progrès avec 957 individus entre les années 400 et 450 : la courbe atteint son sommet et s’y stabilise jusqu’aux années 550. L’état optimal de l’occupation se situe donc entre les décennies 400 et 550.
Une nette décrue marque ensuite la période du milieu du VIe à la fin du VIIe s., jusqu’à la chute brutale de la première moitié du VIIIe s, après laquelle il ne reste que quelques indices datables sur l’ensemble de l’île, qui retrouve le bas niveau de la période pré-romaine : l’île semble alors en cours de désertion. Les observations de terrain rejoignent donc les données textuelles qui soulignent les destructions consécutives à l’invasion arabe et aux incursions franques, au début du VIIIe siècle.
Ce siècle marque une césure définitive : jusqu’à la fin du Moyen Age, l’île ne retrouva plus la densité d’occupation qui la caractérisait aux derniers siècles de l’Antiquité. Ni les travaux de reconstruction de la cathédrale au XIIe s., ni les programmes d’embellissement des XIII-XIVe s. ne virent affluer la population, hors des chanoines concentrés dans la clôture religieuse. La vie était ailleurs désormais, sur le continent où la Villeneuve-de-Maguelone groupait la population depuis au moins le IXe siècle.

      Fig. 3. Topographie littorale ancienne (extrait de la carte du diocèse de Montpellier par Jean Cavalier, ingénieur géographe du roi, 1652).
3. Maguelone et la mer : le « port Sarrasin »
Les vestiges les plus abondants se concentrent dans le quart sud-ouest de l’îlot, en un lieu nommé «Port Sarrazin » où les prospections ont relevé l’abondance des fragments d’amphores. Cette observation accrédite la tradition orale d’une installation portuaire, en tenant compte du caractère probablement légendaire de l’attribution aux sarrazins. Là, des barques pouvaient transborder la cargaison des navires, après avoir franchi l’ancien grau de Maguelone-Palavas, bien connu jusqu’au XVIIIe s. (fig. 3).
En quelques décennies, à la charnière des IIIe et IVe s. Maguelone était donc devenu un centre majeur du peuplement littoral, autour duquel s’organisait un réseau d’activité et d’échange. Cette évolution locale formait le contrepoint du site de Lattara-Lattes, sur la rive nord de l’étang, dont le port éprouvait des difficultés grandissantes de circulation, sous l’effet des dépôts alluviaux, et dont la ville était en voie de désertion depuis le IIIe s. Avant-port de Lattes dès le haut Empire, ou plus récemment aménagée, l’île maintenait l’accès à la mer à l’extrémité occidentale de la civitas Nemausensis.

   Fig4. répartition des vestiges
L’îlot de Maguelone faisait donc le lien, comme Lattara au cours des siècles antérieurs, entre l’activité agricole et artisanale régionale et les voies commerciales méditerranéennes. Sur le territoire de Villeneuve s’étaient développés des centres domaniaux. Jamais auparavant le peuplement n’avait atteint une telle densité. Cette région littorale illustre l’aboutissement de l’essor économique et démographique de l’Antiquité tardive, appellation qui rend compte d’un développement que l’effondrement politique de Rome n’avait pas stoppé.
Alors que la ville portuaire de Lattara-Lattes connaissait un abandon progressif aux IIIe et IVe siècles, sur le littoral l’îlot de Maguelone voyait son occupation s’étendre en proportion inverse. Devenu siège épiscopal et chef-lieu territorial à partir du VIe s., le site restait méconnu jusqu’au développement des recherches archéologiques à la fin du XXe s.
Au moment où Lattes perdait son dynamisme, près du cordon littoral l’île de Maguelone voyait s’établir une population croissante au cours des IVe et Ve siècles. Les vestiges mettent en évidence l’ampleur de l’activité commerciale alors déployée sur le littoral : amphores à vin, à huile, provenant de la région carthaginoise, de l’Espagne méridionale ou encore d’Egypte et de Palestine ; poteries de Tunisie, de Savoie, plus rarement de Bourgogne... Ainsi se perpétuent les échanges méditerranéens qui avaient fait la prospérité de Lattes et de sa région. Cette position d’interface, vecteur du développement régional, fit plus tard la puissance de la ville de Montpellier.
Concluons sur ce point qui est aussi le point de départ de nos recherches. D’abord stable et stimulante, la situation insulaire de Maguelone suscita la création de l’évêché wisigothique. Aux siècles suivants la situation se renversa : la fragilité insulaire emporte la vie économique et ébranle le siège épiscopal, pourtant maintenu à travers les vicissitudes des VIIe-Xe s. L’étude du site de Maguelone touche ici au problème de la dynamique urbaine, quand les questions posées au passé interrogent sur l’avenir du territoire.
4. Un îlot volcanique littoral
Observée dès le XIXe s. mais masquée par les formations littorales, l’origine volcanique de l’îlot a pu être récemment confirmée. Ce volcanisme initial reste discret, n’ayant laissé en surface nulle coulée basaltique démonstrative. Selon P. Ambert qui en a étudié la géologie, cette discrétion s’explique par un volcanisme explosif produisant des produits éruptifs altérables qui ne se conservent pas sous un aspect massif mais au contraire se désagrègent, pépérites et olivines dont la taille excède rarement le décimètre (Ambert in Richard 1999, 186-191). Le transect géomorphologique réalisé par Ch. Jorda lors du diagnostic de 2015 a confirmé cette lecture en soulignant la rareté des produits volcaniques à la surface du paléosol insulaire et de son substrat, composé principalement de limons et d’argiles carbonatés jaunâtres, probablement d’âge pléistocène (Jorda in Ginouvez, Raynaud 2016, 50), au sein desquels de rares pépérites et olivines, nodules vitrifiés puis désagrégés, témoignent en faveur de l’origine volcanique. Malgré ce, la couverture pédologique de l’îlot se distingue peu des sols bruns calcaires qui occupent l’essentiel de la plaine montpelliéraine, en particulier sur l’ancienne péninsule de Villeneuve-les-Maguelone, qui s’avance dans les étangs entre le delta de la Mosson et les salines colmatées du Mas des Quinze. Dans son horizon supérieur le sol de l’île est argilo-limoneux brun noirâtre, incluant au-dessous de 0,50 m de profondeur des graviers siliceux et volcaniques ou parfois basaltiques (Arnal 1984, 66, unité de sol 27). L’analyse conduite lors du diagnostic de 2015 a mis en évidence les fréquents et profonds remaniements du sol dus au ruissellement. Ces altérations semblent principalement attribuables aux plantations viticoles de la période romaine, que l’on a identifiées sur l’ensemble de la parcelle étudiée. Une seconde phase d’érosion, bien identifiée sur la fouille de 2016 (voir US 16020), est attribuable au XIXe s. et a considérablement affecté la conservation des vestiges antiques. Un labour profond est alors pratiqué, remaniant le paléosol et entamant le substrat, peut-être à l’occasion de la plantation du vignoble par F. Fabrège.
5. Les fouilles de 2016 : implantation et résultats
Dans la parcelle concernée par notre programme de fouille, les tranchées réalisées en 2015 donnèrent une première image des conditions de l’occupation. S’y révélèrent deux bâtiments à fondations de pierre, de construction soignée, aux sols en terre, pouvant traduire une occupation domestique et/ou agricole. Mais pour l’essentiel, les seize sondages livrèrent de grandes fosses polylobées évoquant une activité d’extraction pour la construction en terre. L’une de ces excavations avait connu une occupation au moins temporaire, autour d’un foyer lenticulaire (Ginouvez, Raynaud 2016).
La répartition des différents aménagements au sein des sondages de diagnostic fait apparaître la polarisation des différents types de vestiges en trois zones. A l’ouest, près du rivage de l’île où l’altitude s’abaisse de 2,50 m sous le niveau de la partie est, les tranchées 4, 9 et 15 révèlent la présence d’une accumulation colluviale de sédiments argilo-limoneux, constituée en quatre temps et présentant au total une épaisseur de 0,40 à 0,70 m. L’analyse gémorphologique de Chr. Jorda a mis en évidence un niveau de base d’apport colluvial ancien contenant quelques fragments de céramiques du Bronze final, terminus post quem qui tend à montrer une certaine ancienneté. Les trois autres niveaux supérieurs, contenant du mobilier gallo-romain notamment des fragments de tegula, pourraient témoigner d’une érosion des parties hautes de la parcelle, peut-être sous l’effet d’une mise en culture mal maîtrisée (Ginouvez, Raynaud 2016, 50-53). Plusieurs groupes de fosses de plantation viticole, particulièrement nombreuses dans les tranchées 9, 12, 14 et 15, précisent cette exploitation ancienne, dont la fouille de l’église paléochrétienne avait déjà souligné l’intensité à partir des I-IIe siècles. Cependant, la fréquence des artefacts contemporains dans le niveau supérieur ainsi que dans de multiples sillons de charruage, témoigne aussi de remaniements récents, peut être liés au remembrement opéré par F. Fabrège afin d’établir un vignoble durant le dernier tiers du XIXe s.
Cet ensemble d’observations explique que le paléosol soit très mal et très partiellement conservé dans la seconde zone, correspondant grossièrement au tiers médian de la parcelle. S’impose là un grand nombre de creusements dont sont absentes les fosses de plantation, soit qu’elles aient disparu sous l’effet des labours modernes, soit qu’il s’agisse d’un autre mode d’exploitation, par exemples des cultures annuelles qui ne nécessitent qu’un travail du sol superficiel. L’essentiel des tranchées était occupé par de grandes fosses à contour polylobé, probablement du fait de creusements successifs coalescents, entamant le substrat sur 0,60m à plus de 1 m. Interprétées comme des zones d’emprunt de matériau argileux pour la construction, puis comblées de gravats et de dépotoirs domestiques, ces fosses ont toutes été datées de l’Antiquité tardive. D’autres fosses plus restreintes, à contour circulaire, correspondaient à des silos dont on a compté plus d’une dizaine d’exemples mais qui pouvaient être plus nombreux si l’on en juge par la morphologie de certains creusements observés seulement en surface.
Enfin, la partie haute de la parcelle, dans la frange orientale bordant le chemin qui ceinture le parc de la cathédrale, a révélé une forte érosion qui n’a épargné aucun vestige du paléosol et a entamé le substrat sur 0,20 à 0,30 m d’épaisseur. Dans cette troisième zone, où l’on trouve encore de grandes excavations analogues à celles de la zone médiane, se concentraient les vestiges bâtis qui nourrissaient le programme de fouille.
A partir de ces observations, les fouilles de 2016, dont l’orientation principale était de caractériser l’occupation tardo-antique et les formes du bâti, ont été implantées ne bordure orientale de la parcelle, zone de découverte des seuls éléments mis au jour en 2015. Dans un premier temps trois tranchées de respectivement 30 m, 18 m et 20 m de long (fig. 6, TR 17 à 19) ont été pratiquées dans le sens perpendiculaire ou oblique par rapport aux tranchées de diagnostic (TR 01 à TR 16). Les tranchées 18 et 19 n’ayant livré que quelques creusements ponctuels, les éléments bâtis restaient conservés seulement dans l’extrémité sud de la tranchée 17 : seule cette partie a fait l’objet d’une fouille extensive dénommée zone 17.

                                 Fig. 5. Localisation des tranchées de diagnostic en 2015 (doc. O. Ginouvez, INRAP)
5.1. La fouille de la zone 17
Une fois reconnue l’extension des vestiges bâtis dans la partie méridionale de la tranchée 17, le terrassement mécanique s’est poursuivi vers l’ouest jusqu’à la disparition du bâti, tandis qu’au sud et à l’est l’extension était limitée par le chemin et la limite de parcelle. Cela a permis de dégager une zone de fouille en carré irrégulier de 11 m par 10 m (fig. 6-7). Le décapage manuel de l’intégralité de la zone a ensuite révélé la bi-partition de la zone, inégalement partagée entre un secteur bâti et d’occupation stratifiée, dans les deux tiers sud-est, et un secteur où le substrat affleurait et ne conservait que quelques structures en creux antiques dans le tiers nord-ouest.
5.1.1. Première mise en valeur : la viticulture antique ?
Dans le tiers nord-ouest le substrat limono-argileux de couleur brun-jaunâtre apparaissait directement sous la semelle de labour moderne, de même que dans l’extrémité nord de la tranchée 17 et dans les tranchées 18 et 19. Sur ce sédiment homogène et dense, les sillons de labours modernes se détachaient nettement du fait de leur comblement meuble de sédiment brun foncé contenant des artefacts contemporains, fragments de porcelaine, de métal et de matière plastique. Ces sillons, grossièrement orientés nord-sud, expliquent l’absence de tout vestige bâti (fig. 8 et 10, US 16038). Par contre, de nombreux creusements ponctuels ou punctiformes se distinguaient à la surface du substrat par leur coloration brune et leur texture meuble, tout en restant très proche de la composition du sédiment géologique. Le dégagement minutieux de ces tâches, ainsi que leur relevé au 1/20e, n’ont pas permis de caractériser une trame cohérente d’aménagement que l’on pouvait envisager de prime abord sous la forme d’une construction sur poteaux ou de tranchées de fondation (fig. 9-10). Les observations effectuées par J.-Cl. Roux au moyen de deux sondages ponctuels, n’ont pas permis de valider cette interprétation et militent plutôt en faveur de creusements agricoles, plantation de pieds de vigne et de piquets. Ces traces ne n’obéissent à aucune logique perceptible, l’ensemble semblant au contraire appartenir à des interventions distinctes et successives.
Le seul creusement qui pouvait correspondre, par sa morphologie et ses dimensions, à une tranchée de plantation antique, n’a livré à la fouille aucun élément de datation et reste bien isolé pour étayer l’hypothèse (fig. 8 et 10, US 16020), de même qu’un autre creusement comparable situé à l’angle nord-est de la fouille, tout difficile à dater (US 16002).
En définitive, si l’activité viticole est attestée dans le secteur fouillé en 2016, comme elle l’était dans le diagnostic de 2015, son attribution à l’Antiquité n’est pas assurée, contrairement à ce qu’avait révélé la fouille de l’église paléochrétienne en 1998-2000. La seule observation chronologique tient à la densité des fosses et divers creusements de l’Antiquité tardive dans la parcelle fouillée, creusements qui semblent interdire la mise en culture et invitent à situer les traces de plantation à une période antérieure.
5.1.2. L’activité tardo-antique d’extraction du substrat
Après la découverte, lors du diagnostic de 2015, d’une série de grandes excavations entamant profondément le substrat sur 15 à 20 m2, la mise au jour dans la zone 17 de l’excavation 16036 couvrant plus de 81 m2, pose la question de la fonction de ces fosses qui restent localisées dans le tiers oriental de la parcelle. Impropres au stockage des denrées, ces creusements ont pu parfois recevoir une aire d’occupation sommairement aménagée, comme
l’a montré la fosse 1005, mais seulement à postériori et de manière probablement éphémère (Ginouvez, Raynaud 2015, 38). De même, ces fosses paraissent inadaptées à l’aménagement de sous-sols pour des édifices dont il ne subsiste nul indice. Du fait de sa large extension, l’excavation 16036 affaiblit un peu plus cette interprétation architecturale.

               Fig.6 Localisation des tranchées
L’hypothèse de fosses d’emprunt de matériau géologique reste donc la plus plausible mais demeure difficile à démontrer et l’absence de traces spécifiques qu’une telle activité ne laisse guère subsister. Au total, c’est entre une et plusieurs centaines de mètres cubes de terre que l’on a extrait de ces excavations. Outre l’extension des fosses, le principal argument réside dans la composition limono-argileuse du sédiment pléistocène qui constitue le substrat local (Arnal 1984, 66).

               Fig.9 Creusements et sillons
L’analyse technique conduite par Jean-Claude Roux a montré que la terre de l’île de Maguelone pouvait être utilisée comme terre à bâtir moyennant certaines précautions, et que ses caractéristiques pouvaient convenir à un type de mise en oeuvre. Le substrat présent dans la partie occidentale de l’île offre au toucher un faciès de limon argileux, homogène et très compact, de couleur gris clair. L’île étant un milieu clos et exondé, aucun cours d’eau n’a pu déposer des colluvions limoneux ou limono-sableux tels que l’on rencontre en bordure septentrionale des étangs littoraux.
Afin de connaître la qualité du sédiment, nous avons effectué des tests « de terrain » ainsi qu’une expérimentation par la réalisation d’une brique crue modelée.
- Les tests de terrain
Le toucher : en humidifiant légèrement la terre, on constate qu’elle colle aux doigts, ce qui signifie qu’elle contient beaucoup d’argile.
Le lavage des mains : cela consiste à s’enduire les mains de terre mouillée et à les rincer sous l’eau sans pression. Résultat : la terre colle aux mains et il faut insister un peu pour l’enlever, elle contient donc de l’argile en proportion significative.
Le boudin : on roule entre les mains un boudin de terre à l’état plastique d’environ 3 cm de diamètre, puis on laisse une extrémité pendre dans le vide toujours en le roulant. Résultat : le boudin s’étire sans casser ni s’effriter jusqu’à 15 à 20 cm, ce qui signifie que la terre est argileuse (terre sableuse 5 cm, terre limono-sableuse (idéale) 10-15 cm).
- Réalisation d’une brique crue modelée
Par expérience, au premier abord il ne nous paraissait peu probable de réaliser de façon satisfaisante un mélange terre, végétaux (herbe) et eau. Le mélange plastique obtenu selon les dosages appropriés s’est avéré relativement collant mais assez modelable pour réaliser une brique de 20 x 12 x 8 cm. Séchée au soleil durant plusieurs jours, la brique présente une légère rétraction et des fissures dus à une proportion d’argile au-delà de 20-30 %, seuil idéal pour de la terre à bâtir. Par contre, elle offre une dureté relativement importante.
Dans ce secteur de l’île de Maguelone, les tests et la brique crue modelée confirment la présence d’une terre fortement chargée en argile. Son utilisation telle quelle comme terre à bâtir pourrait éventuellement permettre de réaliser des briques crues, quoique le démoulage du moule en bois ne soit pas être commode : la terre plastique est trop collante. La brique séchée, devenue un matériau dur et stable, peut être utilisée comme élément dans la construction avec un liant. Pour la bauge, la préparation d’un matériau collant ainsi que le façonnage manuel et le retrait au séchage sont des inconvénients à la réalisation et à la mise en oeuvre. Par contre, la terre humide paraît trop plastique pour réaliser du pisé mais on ne peut l’exclure sans une expérimentation.
En conclusion, l’utilisation du sédiment de Maguelone comme terre à bâtir demandait à être fortement amendé en sable, afin d’obtenir une granulométrie équilibrée entre les argiles et les limons ; de même l’apport de végétaux s’imposait afin d’éviter la rétraction du matériau pendant le séchage.
Le substrat local offrait donc un matériau propre à la construction en terre crue, en réponse à l’absence de pierre sur l’île. Si la construction de la cathédrale romane et auparavant celle des édifices paléochrétiens, mit en oeuvre d’importantes quantités de pierre transportées par voie terrestre puis lagunaire sur une dizaine de kilomètres depuis les carrières de la Madeleine pour le calcaire dur, et de Saint-Jean-de-Védas pour le calcaire tendre, il semble difficile que de tels moyens de transport étaient aussi disponibles pour la construction domestique, qui pouvait trouver dans la terre un matériau local de qualité et à moindre coût.
La date de creusement de ces fosses d’emprunt reste difficile à cerner faute de recoupement stratigraphique significatif. Leur comblement par apport d’importants volumes de remblai est mieux daté grâce à l’abondant mobilier des niveaux de remblaiement, datables du VIe siècle. On doit noter cependant que les constructions du VIe s. mises au jour dans la zone 17 n’ont donné aucun indice de l’usage de la terre à bâtir. L’observation, dans plusieurs excavations, d’un niveau inférieur de comblement colluvial, traduit une phase de sédimentation avant le comblement, ce qui permet de penser que ces excavations restèrent ouvertes quelques années, ce qui rapproche leur creusement de la phase de construction qui les recouvre au VIe siècle.
      

                     Fig.10, Traces agricoles
5.1.3. Les constructions du VIe siècle.
Les trois murs ainsi que la banquette mis au jour dans la zone 17 appartiennent à une unique phase de construction que l’homogénéité du mobilier permet de situer au VIe s. et plus probablement dans la première moitié du siècle. Si le caractère lacunaire des murs interdit d’identifier avec certitude un ou des bâtiments distincts et spécifiques, l’ensemble obéit à une stricte orthogonalité qui relève d’un aménagement concerté. On pourrait, de façon hypothétique, envisager au sud un espace de circulation de 3,25 m de large, délimité par les murs 16012 et 16019 entre lesquels on n’observe aucun refend sur 6 m de développement. Les sols et remblais de cet espace ont livré peu de déjections domestiques, ce qui renforce l’hypothèse. Au nord du mur 16012, le sol 16004 offre un vif contraste du fait de l’abondance des fragments de poterie et déchets de faune terrestre et marine (coquillages et poissons). Cette circonstance nous a incités à prélever 100 litres de sédiment du sol pour une étude carpologique et anthracologique ainsi que des os de poisson ; l’étude sera confiée à Margaux Tillier, doctorante à l’UMR de Lattes.
Par ailleurs, la quantité des ossements de faune au sein des niveaux d’occupation du VIe s. nous a incité à insérer le site de Maguelone dans un projet d’analyses sur l’alimentation au haut Moyen Age. Ces analyses, qui ont pour but de mesurer les rapports entre les isotopes stables du carbone et de l’azote, permettront de reconstituer les grandes tendances alimentaires de chacun des spécimens, animaux et humains analysés et les spécificités des environnements dont sont issus leurs ressources alimentaires (Herrscher, Goude, 2015). Les ossements de 25 spécimens de faune (Bos taurus, Canis lupus familiaris, Ovis aries, Capra hircus, Oryctolagus cuniculus, Gallus gallus domesticus, Felis silvestris catus, Sus scrofa domesticus, Anas platyrhynchos et Alectoris rufa) ont été prélevés au sein des US 16004, 16013 et 16035 afin de faire l’objet d’analyses isotopiques. Les résultats de ces analyses seront ensuite comparés aux résultats des analyses isotopiques des ossements de 21 sujets humains issus des fouilles de l’église tardo-antique.
La mise en perspective des résultats avec les données archéologiques, archéozoologiques, biologiques et historiques devrait permettre de discuter de l’approvisionnement en ressources alimentaires de l’ile de Maguelone, des pratiques d’élevage et de l’influence des facteurs culturels et biologiques dans la différentiation de l’alimentation au sein du groupe échantillonné.
Cette étude s’insère dans le projet doctoral « Aux origines de l’alimentation méditerranéenne : Analyses isotopiques de vestiges bioarchéologiques de l’Antiquité aux débuts du Moyen-Age dans le Sud-Est de la France » porté par Leïa Mion d’Aix Marseille Université (ED 355) et du laboratoire LaMPEA (CNRS UMR 7263). La finalité de cette recherche sera de comparer les résultats de Maguelone et ceux de dix sites du Sud-Est de la France datés entre la fin du IIIe s. et le début du XIIe s.
Avec la présence d’une banquette dans l’angle des murs 16005 et 16007, les sols de terre battue composent une ambiance domestique que précise la technique de construction à fondations de pierre et sol de terre battue, l’ensemble pouvant dénoter une zone d’habitation de niveau modeste.
Malgré la relative rusticité des constructions, les vestiges de la zone 17 pourraient prendre place dans un quartier relativement « urbain » se distribuant de part et d’autre d’une rue sommairement aménagée par des sols de terre battue. C’est du côté de cette rue, au sud de la zone fouillée en 2016, qu’il faut envisager le développement de la fouille en 2017 afin de préciser l’image, encore lacunaire, du quartier sud-ouest de l’île de Maguelone.
                                                                    Fig.11,12 Plantation viticole

                                                                  Fig.13, Coupes stratigraphiques

                                                                 Fig. 14, 15, Murs 16 005 et 16 007

                                                                 Fig. 16, 17, Mur 16 012

5.1.4. Une sépulture isolée : relégation ?
C’est dans la rue médiane, si l’on retient l’hypothèse, qu’une fosse a été creusée afin d’accueillir la sépulture d’un jeune sujet. Si l’absence de mobilier funéraire ne permet pas d’être trop précis, la forme de la tombe, couverte de tuiles, est à situer au Ve ou VIe s. selon les exemples analogues connus dans les nécropoles de Lunel-Viel (Raynaud 2011).
Isolée dans la zone fouillée, cette tombe appelle cependant le parallèle de la tombe 1019 mise au jour en 2015 dans la tranchée 6 du diagnostic, et elle aussi couverte par un rang de tegulae (fig. 5). Disposées à 66 m l’une de l’autre, ces deux inhumations posent la question de leur éviction de la nécropole (probablement contemporaine) qui se développait dans la partie est de l’île, autour de l’église paléochrétienne étudiée en 1998-1999. Cette situation connaît des parallèles sur d’autres sites de la même période, sans que l’on puisse toujours connaître la raison d’une telle mise à l’écart : rejet de la communauté ou bien souhait du défunt de rester dans l’enclos familial ? Si certains cas de sépultures sommairement établies dans des fosses évoquent l’idée d’un rejet, ce n’est pas le cas ici où les deux tombes sont agencées avec un soin relatif, les corps étant disposés en décubitus dorsal.
Seule la poursuite et l’extension de la fouille devrait permettre de comprendre la signification de telles sépultures dans un quartier peut-être encore habité lors des inhumations.

                                                       Fig.18, Tombe
5.1.5. Epierrement et démantèlement des constructions : le XIXe siècle ?
Les tranchées d’épierrement des murs n’ont livré aucun mobilier, ce qui ne permet pas de dater cette première dégradation des constructions. Des indices plus assurés concernent par contre une seconde –et définitive- phase de destruction marquée par les sillons de défonçage dont le sédiment contenait des fragments de porcelaine et de faïence du XIXe ou début du XXe siècle. Ces sillons, partout présents dans la partie occidentale de la zone 17 ainsi que dans les tranchées 18 et 19, n’ont laissé subsister aucun vestige. L’ampleur de la destruction signale l’usage de moyens mécaniques importants que l’on pourrait rapporter aux grands travaux de défonçage et de plantation de vigne réalisés au début des années 1850 par Bonaventure Fabrège, père de Frédéric. La viticulture industrielle prenait alors son essor et l’on utilisait de grands moyens pour ces plantations, notamment des charrues à treuil tractées par des machines à vapeur qui pouvaient défoncer le terrain sur un mètre de profondeur. Une telle hypothèse nécessitera un travail sur les archives de l’exploitation Fabrège, déposées aux Archives Départementales de l’Hérault.
5.1.6. Le mobilier métallique, céramique et de verre
Ustensiles métalliques vestimentaires et utilitaires
Sensibilisés par l’expérience des scellés arabes découverts à Ruscino (Perpignan) à la possibilité de découvertes notables dans les niveaux remaniés par la semelle de labour moderne, nous avons procédé à une prospection au détecteur de métaux avant et pendant le décapage et le creusement de la fouille. Cette exploration préalable, confiée à Chr. Gourillon, a effectivement livré une série d’objets et de monnaies susceptibles d’affiner la chronologie de l’occupation et l’organisation des activités (fig. 19-20).
- Boucle en alliage cuivreux (fig. 19 n° 1) : grande boucle ovale à ardilllon droit décoré d’incisions simples et de points, provenant peut-être d’une plaque-boucle lyriforme ; axe de l’ardillon en fer, en réparation. Datation probable de la fin du VIe ou du VIIe siècle.

                       Fig.19, Mobilier                         
- Boucle en argent (fig. 19 n° 2) : petite boucle massive à ardillon scutiforme ; type fréquent surtout en alliage cuivreux, à la fin du Ve s. et au VIe siècle.
- Plaque-boucle en alliage cuivreux (fig. 19 n° 3) : petite plaque-boucle non articulée cassée aux deux extrémités dont l’ardillon est replié sur la plaque. La plaque trapézoïdale est décorée près de la boucle par deux cercles ocelés encadrés et reliés par des incisions. Une plaque boucle analogue est connue dans la nécropole des Horts, datée du VIe siècle (Raynaud dir. 2011, pl. 70 n° 560).
- Boucle en alliage cuivreux (fig. 19 n° 4) : boucle réniforme provenant d’une plaque-boucle démembrée à laquelle elle était fixée par deux bélières encadrant l’ardillon. Décor de lignes transversales incisées par paires. Datation au VIe ou VIIe siècle.
- Tenon ou clou à cabochon en alliage cuivreux (fig. 19 n° 5) : cabochon creux portant un bouton floral ; XIII-XVe s. ?
- Perle en alliage cuivreux (fig. 19 n° 6) : perle biconique à perforation cylindrique axiale, aucun décor, datation indéterminée : haut Moyen Age ?
- Agrafe à double en alliage cuivreux (fig. 19 n° 7) : corps plat rectangulaire horizontal, portant un décor incisé de treillis géométrique. Largement répandu en Europe occidentale, ce type d’objet est généralement daté entre le VIIe et le IXe siècle.
- Poids en alliage cuivreux (fig. 19 n° 8) : objet carré de 3 cm de côté, épais de 1,8 mm, pesant 54 gr. ; décor et inscription usés.
Avers : croix centrée dans une couronne, avec de part et d’autre les lettres grecques gamma à gauche pour oncia, et B à droite pour 2.
Il s’agit d’un poids de type Byzantin dont on connaît deux exemplaires de type voisin dans la région, l’un à Pabiran (Montagnac, Hérault ; CAG 34/2, 297 fig. 398), l’autre de trois onces à l’Ermitage (Alès, Gard ; rapport de fouille 2007, p. 79-84). Ce type d’objet est généralement attribué au VIe ou VIIe siècle.
- Poids en plomb (fig. 19 n° 9) : objet hémisphérique, 1,5 cm par 2 cm, 53 gr., aucune indication ni inscription.
- Plaquettes de plomb enroulées (fig. 19 n° 10-12) : plaquettes de 2,5 à 4 cm, enroulées sur elles-mêmes, probablement pour lester un filet de pêche. Aucune datation, cet usage s’étant prolongé jusqu’au XXe siècle.
- Plaquette de plomb repliée (fig. 19 n° 13) : plaquette de 2 cm sur 2,2 repliée en carré sur elle-même ; usage pour le lest d’un filet de pêche ?
Numéraire antique et médiéval
- Nummus de Gratien (367-383) (fig. 20 n° 1) : alliage cuivreux.
Avers : DN GRATIANUS PF AVG ; buste diadémé à droite ;
Revers : SECVRITA-S- REIPVBLICAE ; Victoire marchant à gauche tenant une couronne de la main droite et une palme de la main gauche.
- Maiorina de Julien II (355-363) (fig. 20 n° 2) : alliage cuivreux.
Avers : DN IVLIANVS NOB C ; buste tête nue à droite ;
Revers : FEL TEMP REPARATIO ; soldat casqué terrassant un cavalier à gauche.

                                                 Fig. 20, Monnaies et objets
- Monnaie d’Amédée V de Savoie (1285-1323) (fig. 20 n° 3) : alliage cuivreux.
- Monnaie d’Amédée VIII de Savoie (1416-1434) (fig. 20 n° 4) : quart de gros, argent.
Avers : + AmEDEU(S) ; légende centrale FERT en lettres gothiques dans un cartouche rectangulaire.
Revers : + In ITALIA MARChIO, croix de Savoie dans un losange double.
- Liard de Provence de Louis XII (fig. 20 n° 5) : argent.
Avers : +(L)VDOVICVS.FRACOR. RE ; L onciale couronnée ;
Revers : +SIT : nOmEN Dn (BEnEDICT)V ; croix dans un quadrilobe pointé.
- Méreau (fig. 20 n° 6) : plomb, diamètre 16 mm, portant une croix cantonnée sur les deux faces. Datation probable XIII-XIVe siècle.
- Méreau (fig. 20 n° 7) : plomb, décor de rosette sur une seule face. Datation probable XIII-XIVe siècle.
Si ces éléments ne peuvent fournir des indices chronologiques précis du fait de leur provenance, on notera cependant que les éléments vestimentaires, boucles, plaque-boucle et agrafe, que le poids du système oncial, prennent place dans une fourchette des VIe-VIIe s. qui encadre la phase d’occupation mise au jour par la fouille. Les monnaies du IVe s., dont on connaît la longue durée de circulation, pourraient aussi entrer dans cette chronologie, tandis que les objets usuels ne plomb ou en alliage cuivreux restent de datation incertaine. Les monnaies ainsi que les méreaux du bas Moyen Age témoignent pour leur part d’une occupation plus diffuse qui ne correspond à aucun bâtiment ou niveau d’aménagement.
Notons par ailleurs que les couches d’occupation ont seulement livré des fragments de clous ou d’ustensiles en fer ainsi que quelques objets en plomb et en alliage cuivreux :
- Anneau en alliage cuivreux (fig. 20 n° 8) : provenant de la couche 16022 cet anneau fin porte sur sa partie élargie un décor géométrique de 4 lignes incisées. Datation indéterminée.
- Peson en plomb (fig. 20 n° 6) : la couche 16014 a livré un peson conique en plomb percé en son centre. Datation indéterminée.
La céramique, un large approvisionnement pour la consommation locale
La céramique du sol 16004
Le sol 16004 a livré à lui seul plus de la moitié du mobilier céramique de l’ensemble de la fouille. Cet ensemble de 1159 fragments représente une soixantaine d’individus-vases qui permettent de caractériser la distribution des approvisionnements ainsi que de dater cette phase d’occupation.
Comme l’ensemble des couches d’occupation tardo-antiques, le sol 16004 est dominé par les fragments d’amphore africaine qui constituent 50% du mobilier. Deux cols des types 62A et 61C, ainsi que des anses, précisent la configuration de ce mobilier qui est dominé par les grandes amphores cylindriques du VIe siècle et du début du VIIe s. (fig. 21 n° 1-2). Un troisième col à profil convergent et lèvre en bourrelet est plus difficile à caractériser ; il pourrait appartenir à une amphore globulaire mais ce type reste indéterminé (n° 3).
D’Afrique provient aussi la sigillée Claire D représentée par de grands plats des types 61B, 93, 99B et 104C, un type 93 ou 107 difficile à identifier (n° 4-7) ainsi qu’un bord indéterminé (n° 8). Bien présente à hauteur de 8% du lot, la vaisselle fine est complétée par deux coupes en DSP de type 16, dont l’une décorée de guillochis, ainsi que par d’autres pièces de type gobelet et coupe à pied annulaire (n° 9-13). Apparentée à la vaisselle fine par sa pâte calcaire et son profil imitant le type Claire D 104, la céramique engobée reste minoritaire et sa provenance est indéterminée : production régionale ou importation (n° 14) ?
Les importations sont aussi attestées par deux pièces de céramique commune méditerranéenne, un pot globulaire du type COM-MEDIT 14 d’origine probablement ligure (n° 15, pâte orangée à inclusions blanches, épiderme enfumé) ainsi que par une marmite non tournée du type COM-MEDIT 26, dont l’origine hispanique est envisagée (n° 16, pâte granuleuse brun-gris, épiderme lissé et noirci au feu).
La céramique commune représente plus de 8% de l’ensemble et appartient majoritairement à la production kaolinitique de la basse vallée du Rhône, principalement composée de pots à bord en poulie des types A29 (fig. 21 n° 17-22), A23 (n° 23-25) et A25 à gorge interne (n° 26), ainsi que par un pot à bord en collerette de type indéterminé (n° 27). Une cruche à bec pincé complète le lot (n° 28).
Absentes au sein de la céramique kaolinitique, les formes ouvertes sont représentées par la production réductrice à pisolithes avec des mortiers des types D1 et D2 (fig. 22 n° 1-3 et 5), et par une marmite B5e (n° 4). A la même production appartiennent aussi un col de type A5b (n° 6), plusieurs fonds dont l’un porte la trace du décollement à la ficelle (n° 8), ainsi qu’un col de pichet G1 (n° 9). La céramique oxydante à pisolithes est aussi bien attestée, notamment par des mortiers de type D2 (n° 10-11), des pots de type A7 et A8 (n° 12-13), ainsi qu’un pot A11 et une marmite B8, ces derniers probablement résiduels car généralement attestés au Ve s. (n° 14-15). Une production à pâte sableuse grise, d’origine indéterminée, a livré des éléments de même typologie avec principalement des pots à bord en poulie ainsi qu’une coupe carénée (n° 17-21). A la céramique sableuse grise du type Maubert ou Pabiran, appartiennent une coupe carénée C1 ainsi que des pots à bord en poulie (n° 22-26). Enfin, la céramique Bistre, minoritaire, est représentée par un mortier de etype MOR3 ainsi qu’un bord de coupe carénée et un fond à talon (n° 27-29).
Les datations généralement retenues pour l’ensemble des productions représentées dans le mobilier du sol 16004, confirment l’homogénéité de ce contexte dont les pièces les plus récentes, amphore 61C, claire D 104C et 107 et kaolinitique A25, convergent vers la fin du VIe siècle ou le début du VIIe siècle. Seuls les ustensiles en céramique oxydante à pisolithes pourraient appartenir à une phase antérieure, fin Ve ou début VIe s., qui n’est pas attestée matériellement ni dans la stratigraphie ni dans les aménagements.
Données complémentaires des US 16030, 16034 et 16035
Moins fourni que le sol 16004, le mobilier de ces trois niveaux d’occupation livrent néanmoins des éléments de confirmation pour la chronologie de l’occupation. Sont représentées amphores africaines, dont deux cols des types 61d et 36 (fig. 23 n° 6 et 8). La céramique commune se partage entre la production réductrice à pisolithes, dominantes (n° 2-5, 15-19), la poterie réductrice kaolinitique (n° 10-14), la céramique de Maubert (n° 1) ainsi que la céramique Bistre avec un pot à décor de molette (n° 7). La vaisselle fine reste minoritaire avec un col de coupe carénée de type DSP 18 (n° 9).
Ces pièces entrent dans la même fourchette que l’ensemble précédent, la seconde moitié du VIe s. ou le début du VIIe siècle.

 

                                                       Fig.21, Céramiques du sol 16 004 (1)
                                                      Fig22., Céramiques du sol 16 004 (2)

5.3. Les tranchées 17, 18 et 19
5.3.1. La tranchée 17
Poursuivie sur 20 m vers le nord de la zone de fouille, la tranchée 17 n’a livré aucun aménagement bâti ou structure en creux. Partout le substrat affleure à 0,35-0,40 m de profondeur.
5.3.2. La tranchée 18
Cette tranchée de 20 m appelle les mêmes observations que la tranchée 17. Elle a cependant livré à l’extrémité sud le plan partiel d’une grande excavation entrant probablement dans la catégorie des fosses d’emprunt de sédiment (US 16100). Son comblement a livré un mobilier tardo-antique peu abondant mais comportant un ensemble de résidus de travail du verre : un fragment de verre non traité, 2 fragments de pontils ainsi qu’un fragment coupé à la cisaille. Sans constituer véritablement un dépotoir d’atelier, ce petit ensemble témoigne une nouvelle fois d’un artisanat verrier à Maguelone, déjà révélé par les fouilles anciennes (Foy, Vallauri 1985) et confirmé lors des prospections de 2000. Accompagnés d’un bord de coupelle de type Foy 21a ainsi que de bords en céramique kaolinitique A29 et B25 ou 26, ces rejets peuvent être datés d’un large VIe siècle.
A l’extrémité nord se distinguait un creusement linéaire, probable fossé aux parois évasées et très érodées, dont le comblement colluvial contenait un petit ensemble de céramiques ainsi que de verrerie tardo-antiques ; ceci confirme la récurrence des phases d’ érosion-accumulation sur l’île (US 16101).
5.3.3. La tranchée 19
Tranchée de 18 m appelant les mêmes observations que les tranchées 17 et 18. On y trouve à l’extrémité nord, une grande excavation dont le remblai de comblement contient des céramiques de l’Antiquité tardive.
Ainsi les trois tranchées complémentaires confirment les observations du diagnostic sur l’absence d’aménagements ou de constructions dans la partie la plus élevée de la parcelle. Cherchant à préciser cette observation nous avons procédé au creusement des tranchées par passes multiples et peu épaisses de façon à observer d’éventuels vestiges de constructions démantelées par les labours. L’absence du moindre indice allant en ce sens, ainsi que l’omniprésence des grandes fosses d’extraction, plaident plutôt en faveur d’une zone non bâtie, hypothèse qui semble s’imposer en l’état.
La présence du large fossé 16100, témoigne cependant d’une forte érosion qui a pu dégrader les constructions dans la partie sommitale de l’île à une date qui ne peut être fixée. On ne doit pas non plus écarter la possibilité d’un arasement prononcé lors de la plantation de vignes au XIXe s. Autant de questions qui ne trouveront de réponses que dans la poursuite des fouilles.

                        Fig23, Céramiques des US 16 030, 16034 et 16 035

                       Fig. 24, 25, Pourcentages des céramiques


6. Bilan et poursuite du programme de recherche
Complétant et amplifiant les observations effectuées lors du diagnostic de 2016, la première campagne de fouille programmée dans la partie sud-ouest de la presqu’île de Maguelone vient rouvrir le dossier des « évêché ruraux » de la fin de l’Antiquité. Cette appellation n’est attestée dans aucune nomenclature administrative, juridique ou ecclésiastique de l’époque, mais elle est utilisée par les historiens pour distinguer les sièges épiscopaux fondés dans les sites anciennement urbanisés, agglomérations principales et chef-lieux de cités, où furent généralement établis les premiers évêchés dès la fin du IIIe s., des sièges plus tard établis en des lieux initialement ruraux ou sans autonomie civique. L’appellation s’applique particulièrement à la situation de l’Afrique où le IVe s. vit fleurir un réseau de nouveaux évêchés d’une exceptionnelle densité, qui reflétait le dynamisme économique et religieux de la province, dans un contexte où l’évêque n’était pas ordonné par l’autorité centrale (qui à Rome se contentait souvent d’entériner ces situations locales pourtant contraires aux dispositions conciliaires s’opposant à la création d’évêchés hors des centres urbains, afin de ne pas abaisser le prestige de l’Eglise) mais acclamé par ses fidèles, un peu à la manière dont les empereurs étaient acclamés par leurs troupes. L’acclamation de l’évêque, puis son installation dans des bâtiments offerts à l’Eglise par les aristicrates locaux, suffisaient à conférer au lieu un statut de communauté autonome. Les recherches sur les communautés rurales d’Afrique ont mis l’accent sur cette forme d’autopromotion épiscopale (Spanu, Zucca 1998 ; Brown 2016, 338-340), mais une telle situation est aussi connue en Italie et en Corse (Volpe 2007 ; Istria 2010), et la question se pose à l’égard de Maguelone deux siècles plus tard, dans un contexte différent au plan politique et économique. On n’est plus en effet dans la situation rurale de la riche province de Carthage, mais aux confins septentrionaux du royaume wisigoth. Examinant la hiérarchie des fonctions de l’habitat dans un article fondateur publié en 1978, P.-A. Février, par ailleurs bien informé de la situation africaine, insistait sur la nécessité de "restituer une vie économique, sinon on ne comprendrait guère pourquoi une série de sites portuaires sortent de l'ombre avec la réorganisation ecclésiastique" (Février 1978, 215).
Vingt ans plus tard les prospections et les fouilles des années 2000 mesuraient le bien-fondé de ce raisonnement en soulignant la densité de l’occupation de Maguelone à la fin de l’Antiquité. Les fouilles récentes, tout en poursuivant dans cette direction, semblent néanmoins révéler certaines limites du développement de l’agglomération insulaire qui se concentrerait essentiellement aux VIe et VIIe s., comme le montrait déjà le diagnostic de 2015. Avec la situation littorale de Maguelone, la découverte de nouveaux déchets d’un artisanat verrier, confirme la fonction économique de l’évêché, plusieurs fois soulignée dans le cas des « évêchés ruraux » d’Italie.
Peut-être aussi faudrait-il aussi considérer l’émergence de l’évêché de Maguelone au VIe s. dans le contexte de la pression franque qui s’exerçait sur la frontière cévenole et rhodanienne de la province wisigothique. Un tel contexte, nullement exclusif des fonctions économiques, pouvait inciter le lointain souverain à Tolède à renforcer le maillage administratif et ecclésiastique de la Septimanie, dans un angle mort à mi-distance entre les vieilles cités de Nîmes et Béziers. Cette initiative pouvait s’exprimer d’autant plus fermement que l’île, du fait de sa situation littorale, ressortait probablement des terres fiscales échue à la royauté gothe après l’effacement de l’empire dans sa partie occidentale. Malheureusement, l’absence de sources diplomatiques sur cette question ne permet pas d’aller au-delà des hypothèses plausibles.
Concernant le développement de courte durée de l’occupation observée dans la zone 17, est trop tôt pour savoir si cette brièveté, en apparence contredite par l’analyse de l’ensemble de l’île, illustre une situation ponctuelle et toute particulière au lieu, si cette situation reste amputée d’une partie de ses vestiges par les labours modernes dont on a vu l’ampleur des dommages, ou s’il s’agit véritablement d’un secteur représentatif d’une occupation éphémère durant moins de deux siècles. En particulier, se pose la question de la première croissance de l’établissement que l’on envisage toujours sous la forme d’une agglomération portuaire mais dont l’évolution antérieure à la fondation de l’évêché se trouve mise en question par la minceur des éléments mobiliers : deux monnaies seulement collectées dans les niveaux remaniés et une poignée de céramiques résiduelles des IVe-Ve s.
Dans sa forme « urbaine » ou rurale comme dans sa chronologie, le site épiscopal de Maguelone pose des questions qui justifient amplement la poursuite des recherches au cours des prochaines années.

Bibliographie sur Maguelone
(sélection des titres essentiels ; voir une recension plus complète dans Barruol, Raynaud 2002)
Aigrefeuille 1737 : AIGREFEUILLE (Ch. d’)— Discours préliminaire sur l’anciène ville de Maguelone, in : Histoire de la ville de Montpellier depuis son origine jusqu’à notre temps, Montpellier, 2 vol., 1737 et 1739, vol. 1, p. 8-58.
Barruol, Raynaud 2002 : BARRUOL (G.), RAYNAUD (Cl.) — Magalona/Maguelone, Les agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon, J.-L. Fiches dir., 2002, p. 506-518.
Barruol, Garnotel, Raynaud à paraître : BARRUOL (G.), GARNOTEL (A.), RAYNAUD (Cl.) — De l’île à l’évêché. Maguelone (Hérault) et son territoire, de la protohistoire au Moyen Age, Mémoires d’Archéologie Méditerranéenne, Lattes.
Brown 2016 : BROWN (P.) : A travers un trou d’aiguille. La richesse, la chute de Rome et la formation du christianisme, Les Belles Lettres, Paris, 2016, 783 p.
Dossey 2010 : DOSSEY (L.) — Peasants and Empire in Christian North Africa, Berkeley, California University Press, 2010.
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