Loupian, Poussan, 5 décembre 2015
Loupian, je l’attendais depuis des années. J’aurais pu fouiller leur site (Internet), regarder les dizaines de photos sur le Web, mais pour mes visites, je préfère me nourrir des rumeurs, des récits des amis, laisser mon esprit construire ses propres images afin d’avoir le plaisir du décalage entre réalité et rêveries. Ce n’est qu’après la visite que je me documente en digérant lentement les informations glanées in situ.
La première surprise concerne l’architecture protectrice du musée et de la villa gallo-romaine. Une personne égarée serait persuadée que ces grandes plaques métalliques abritent une PME où l’on fabrique des remorques ou des pompes, je n’ai vu à l’extérieur aucun signe ayant trait à l’Histoire.
Nous quittons la caisse et le musée pour rejoindre la villa ou plutôt le tiers de sa surface qui a été mis en valeur à ce jour. Heureusement protégées par une couche de terre, les mosaïques qui couvraient intégralement le sol de cet immense ensemble ont assez bien résisté aux outrages du temps et des cultivateurs. Une ingénieuse et subtile reconstitution avec des tesselles grises permet de remplir certaines parties manquantes. Les précautions prises pour conserver les mosaïques font qu’elles sont assez peu éclairées et que le bâtiment est plutôt glacial en hiver et surchauffé en été. On s’imprègne bien de ces rustiques conditions de présentation qui sont finalement proches de celles que l’on y trouvait il y a 2 000 ans. Un chemin de ronde en hauteur permet de mieux apprécier ce chef d’œuvre qui était à l’époque considéré comme de la décoration sans grand intérêt. Notre guide nous donne moult explications très précises et nous fait rêver en évoquant le fabuleux potentiel archéologique qui se trouve à quelques dizaines de mètres à l’extérieur. La pièce la plus évocatrice et la plus fascinante est la très grande salle de banquet où quelques éléments ont été rapportés (lits et tenture), pendant quelques secondes, j’ai réellement entendu les bruits d’un banquet gallo-romain, j’ai même vu des danseuses.
Bref passage au musée où il y a peu d’objets exposés. J’en retiendrai deux, un imposant dolium trouvé au fond de l’étang de Thau tout proche et une minuscule bague en or donnée à un nouveau-né en guise de porte-bonheur. Quelques commentaires autour des maquettes qui nous donnent une idée de l’importance de ce domaine, de son évolution et de son niveau de confort (hypocauste, bain chaud, bain froid…).
Direction Poussan, Mr Fabrice Bertrand nous guide jusqu’au « Jardin des frères » ou « Jardin de la Grotte ». Situé près du cœur historique, il nous offre parking, tables et bancs pour un bref pique-nique sous le soleil. Pour remercier Mr Bertrand qui nous reçoit bénévolement, je lui remets au nom de l’association, un carton d’huile d’olive artisanale de Saint-Géniès des Mourgues et un carton de vin et muscat de Lunel, il pourra comparer ces breuvages avec les sources locales.
Mr Bertrand est président de l’association Saint-Vincent (association un peu « cousine » de la nôtre), conservateur du Musée Languedocien de Montpellier dont nous attendons avec impatience l’ouverture après travaux, professeur à l’Université de Lausanne et auteur de livres sur l’histoire régionale. Un érudit sachant s’adapter à nos attentes que nous allons suivre pendant presque trois heures dans le labyrinthe poussanais. La lecture des façades, rues et places est tour à tour passionnante, étonnante, choquante. L’association Saint-Vincent possède certains lieux historiques. Avec leurs modestes moyens financiers et humains, ils font face à d’énormes responsabilités d’entretien et de gestion. Cela ne semble nullement décourager Mr Bertrand et ses amis qui doivent convaincre décideurs politiques, architectes et habitants…
Nous avons eu une belle émotion en visitant le château de Montlaur. Sous des enduits posés par des sœurs, ils ont découvert des peintures du XVIème siècle racontant la visite de Charles IX à Poussan ainsi que la découverte du Nouveau Monde par les conquistadores. Les commanditaires seraient des membres de la famille poussanaise Mendosse qui a fondé la ville de Mendoza en Argentine. Les parties dégagées sont magnifiquement peintes, estimées à plusieurs centaines de mètres carrés, ces peintures constitueraient un chef d’œuvre majeur comparable à la tapisserie de Bayeux (les reproductions des photos prises sont interdites). Espérons que la restauratrice contactée par Mr Bertrand soit bientôt en mesure de s’attaquer à un tel défi.
Vers dix-sept heures, même si notre hôte a encore bien des secrets à révéler, nous le saluons et le remercions pour cette visite très intense.
Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année et espère vous revoir lors de l’AG de janvier.
Thierry
Voici mes clichés (difficile d’écouter et de photographier) heureusement complétés par ceux de Michel Bonnet.