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Marseille, 11 et 12 mai 2019

  La plupart des français convergent les samedis matins vers leur marché préféré, un stade ou un rond-point ; à l’Estaque, des anciens de la Comex se réunissent dans un hangar pour bichonner le Saga et à la demande le faire visiter. Michel, Daniel et Philippe, anciens commerciaux, dessinateur industriel et plongeur vont avec patience et humour se mettre à notre niveau de connaissances pendant deux heures.  En le découvrant, j’ai un choc, le Saga est beau (28 mètres de long, 7,4 de large et 8,5 de haut), Gérard me fait remarquer qu’il était très heureux d’enfin voir le véritable « Yellow Submarine » de notre jeunesse. Il y a loin des connaissances théoriques apprises sur des croquis épurés à la réalité. Un sous-marin, c’est super simple, il plonge en remplissant ses ballasts d’eau de mer et remonte en les vidant par injection dans ces ballasts d’air comprimé, oui mais… les ballasts sont invisibles, cachés derrière des éléments de carrosserie… carrosserie non étanche, elle est percée d’orifices par lesquels l’eau circule, seuls les compartiments centraux en pression atmosphériques sont étanches… Difficile de se repérer. Nos experts vont donner des noms à tous ces mystérieux éléments.

 L’histoire du Saga commence en 1966 dans la tête du commandant Cousteau, la complexité du projet fera que le sous-marin plongera pour la première fois en 1987. Il effectuera des missions scientifiques et industrielles (Offshore). Il plongera jusqu’à 600 mètres sans sorties de plongeurs et jusqu’à 450 mètres avec sorties plongeurs. Il est équipé de deux moteurs Stirling dans lesquels on injecte de l’oxygène mélangé à un carburant (gasoil), ces moteurs sont de type « anaérobie », ils n’ont pas à remonter pour capter l’air en surface, cette technologie était toute nouvelle lors de la construction du Saga. L’oxygène est stocké sous forme liquide grâce à un procédé appelé cryogénie. La « cryogénie », refroidissement extrême, permet de réduire de 850 fois le volume occupé à l’état gazeux par l’oxygène et éventuellement de vous rapporter pas mal de points au scrabble. Le scrabble, je ne sais pas si les six membres d’équipage (4 plongeurs, 2 pilotes) y jouaient le soir dans leur carré, mais la vie à l’intérieur (jusqu’à 20 jours sans remonter à la surface…) devait être psychologiquement très difficile. L’espace a été minutieusement organisé, ils ont même pensé au stockage d’un éventuel macchabé dans le congélateur…

 Midi, nous remontons à la surface, impressionnés par le très haut niveau technologique atteint avec les moyens des années 80. On comprend que les anciens de la Comex, acteurs d’une telle aventure scientifique soient restés soudés (notamment les plombiers, admirez leur travail).

 C’est grâce à Jean-Michel Bovienzo que nous avons eu connaissance du Saga (Sous-marin d’Assistance à Grande Autonomie). Quand je pense que cette visite a failli être annulée au dernier moment pour un problème administratif (la Mairie de Marseille ne s’entend pas avec le Port de Marseille qui ne s’entend pas avec…). Merci à Daniel Balzano qui a réglé ce problème administratif.

 Nous pique-niquons au port de l’Estaque dans un bar, les panisses (farine de pois chiches) et les chichis-fregis (chouchous/churros) sont à connaître mais explosifs. Après une brève balade dans le vieux village cher à Cézanne, Braque et Guédiguian, nous déposons nos affaires à l’hôtel Ibis Vieux-Port et rejoignons Laurianne Collange sous l’Ombrière, le portique/miroir imaginé par Norman Foster qui sert à se protéger du soleil, de la pluie (très rarement) et de point de rendez-vous.

 Laurianne, jeune et sympathique auvergnate, guide (pour la première fois) un groupe dans le musée d’Histoire de Marseille. L’extérieur du musée mériterait à lui seul un après-midi, ce sont les vestiges du Port Antique découverts accidentellement en 1967 lors de travaux d’aménagement du quartier de la Bourse. A l’intérieur de magnifiques salles vont dérouler les 2 600 ans d’histoire depuis l’installation des Grecs Phocéens en – 600 (Massalia). Puis vint la conquête de César (pas celui de Pagnol, l’autre), Massalia devint Massilia, le Moyen-Age, Louis XIV et ses grandes réalisations, la peste, les guerres de religion, la Révolution, la Révolution Industrielle, le Pont Transbordeur (photo récupérée sur le Web) … Laurianne nous en explique l’essentiel devant d’explicites maquettes.

 Repos à l’hôtel pour une partie d’entre nous, le reste grimpe jusqu’à l’abbaye Saint-Victor. C’est sur la rive sud de la calanque du Lacydon qu’a été construit un des premiers monastères en Gaule, il était alors bien isolé du reste de la ville. Il nous est impossible de circuler librement car nous arrivons au beau milieu de la messe, heureusement, nous pouvons descendre dans ce qui est le plus remarquable, la grande crypte (vestige de la première église ?) où nous pouvons admirer des sarcophages dans un ensemble roman exceptionnel.

 Le petit-déjeuner à l’Hôtel se fait en compagnie de supporters de l’OM, ils semblent concentrés et confiants. La Bonne Mère n’y pourra rien, leur journée sera cauchemardesque.

 Nous voilà partis pour le Vieux-Port et le Panier. Nous ne sommes pas quinze mais seize, un habitant de Marseille nous a rejoint : le Mistral. Des rafales à 120 voire 130 km/h (je n’exagère pas) vont nous obliger à garder un œil au sol pour la marche, un œil à l’horizontale pour les sujets de visite et un œil en l’air en prévision d’une tuile ou d’une branche. En 2018, Marseille a connu 103 jours classés « vent violent », très dur pour les coiffeurs et les coiffeuses.

 Marseille, c’est avant tout un cadre, un décor de cinéma. Le Vieux Port, sans mentir, le plus beau du Monde, a son entrée protégée par les imposants et toujours fringants forts St Jean et St Nicolas, tout autour des quais élargis récemment en faveur des piétons et bordés de bars, boutiques et restaurants. Toutes proches, mais suffisamment loin pour rêver, des îles, et dans le ciel, la Bonne Mère qui nous observe.

 Le musée des Docks Romains est situé à l’endroit même où un entrepôt commercial romain a été dégagé. On y voit un ensemble spectaculaire de dolia (les plus grosses contenaient plus de 2 000 litres), tout autour du « magasin », des vitrines exposent amphores, mosaïques, éléments de navigation, monnaies (trésor repêché…). Endroit génial, gratuit et désert.

 Le panier, dont le nom proviendrait du nom d’un cabaret, est le quartier qui représente le mieux l’esprit de Marseille ; fief de marins, de truands, de prostituées, d’artistes, d’ouvriers… il est le quartier où les immigrés (et les autres) sont venus se réfugier pendant des siècles. C’est du pain béni pour les romanciers et les aventuriers, pas étonnant que le subtil Hitler ait voulu le raser, heureusement il s’est limité à la partie basse.

 Laurianne nous donne quelques repères (savons, boules de pétanque, Plus belle la vie…), les voies pour la plupart sportives et inaccessibles aux voitures nous font passer de rues napolitaines à une place de village.

 Nous terminons par le promontoire à côté du Fort Saint-Jean, l’occasion d’évoquer l’occupation, le débarquement de Provence, la libération de Marseille.  A ce sujet, j’en profite pour vous glisser un extrait du récit de l’antimilitariste Jean Giono. (Cliquer sur le nom)

 Déjeuner sous la cathédrale de la Major, puis, nous la visitons. En pierre verte de Florence et blanche de Calissane (sur la rive nord de l’étang de Berre), elle est orientée nord-sud, la première pierre fut posée en 1852 par Napoléon III. L’architecte Vaudoyer voulait un syncrétisme entre gothique, roman et byzantin, ce qui fâcha Viollet-le-Duc et les marseillais qui lui préfèrent Notre-Dame-de-la-Garde et qui trouvent qu’elle a l’aspect d’une caisse débarquée d’un bateau venu d’Orient, pas faux vu de la mer (photo récupérée sur le Web) un jour de Mistral.

 La pluie, le froid, on connaissait, ils nous avaient parfois gêné, mais jamais empêché de visiter quoi que ce soit. Monsieur Mistral a osé, conformément à la loi, les bateaux ne sortent pas du Vieux-Port. Nous ne pestons pas contre l’administration française, la vue de la mer et les rafales dans les rues nous indiquent que notre aventure aquatique se serait terminée dans le meilleur des cas à La Timone. On comprend facilement pourquoi cette partie de la Méditerranée fut nommée « Golfe du Lion », la violence, la soudaineté de la Tramontane et du Mistral rendent ce golfe terrifiant. Sans GPS, sans Météo France, combien de marins ont dû le maudire, leur première fois étant souvent leur dernière !

 Direction mon bâtiment marseillais préféré, La Vieille Charité. Datant du XVIIème siècle, il fut utilisé comme hospice puis caserne. Abandonné, il fut classé Monument Historique en 1951 grâce à Le Corbusier. Malheureusement, la chapelle centrale est fermée pour restauration, nous parcourons les ailes dans lesquelles se trouvent les musées d’Archéologie méditerranéenne (réaménagé en mars 2019) le musée des Arts africains, Océaniens et Amérindiens. Ces divers musées ne sont pas immenses, mais ils ne proposent que de l’exceptionnel. Chacun y trouve son coup de coeur, personnellement, j'ai apprécié les éléments qui déroulent "l'invention" de l'écriture.

 Nous affrontons une dernière fois le Mistral, mais cette fois-ci en voiture.

 Nous savons de Marseille beaucoup plus de choses : où loger, où ne pas manger, que revoir, ce qu’il nous reste à visiter, à acheter. J’y avais travaillé quelques mois en 1984, l’ambiance a bien changé, le marché aux poissons est devenu ridicule, les rassemblements de tchatcheurs ont disparu, les trottinettes électriques polluent les trottoirs… la modernité ? Par contre, la ville est plus propre, plus piétonne et l’offre culturelle est excellente.

 Cordialement,  Thierry

 Voici mes clichés, si vous pensez pouvoir compléter avec les vôtres, je suis preneur (petits formats).